Expérimentation : j'ai la fibre textile

Dans le cadre de notre ouverture thématique autour des fibres végétales du 30 juillet au 2 août dernier, nous nous sommes donnés un défi : monter un métier à tisser vertical à pesons et tisser dessus la laine filée pendant ces trois jours… Retour sur cette expérience de patience

Faire et défaire… c’est faire quand même

Le principe du métier à tisser vertical est à priori simple. Documenté par les poids en pierre ou terre cuite depuis le Néolithique. Il s’agit d’un cadre en bois (assemblé par nouage) maintenant l’ouvrage en tension et d’une barre de lisse mobile qui permet de tirer les fils de l’arrière vers l’avant. Je vous ai perdu ? Un petit schéma pour éclaircir tout ça.

Et en photo aussi pour avoir une idée du rendu. Notre métier est très simple et de dimensions moyennes pour débuter.

 

Une fois le métier assemblé commence une étape des plus délicates : l’ourdissage. C’est le moment crucial dans la mise en place des fils de chaîne qui vont constituer en quelque sorte l’armature du tissage. Bon à savoir : ce sont ces fils qui seront les plus visibles dans un tissage simple.

Ourdir c’est donc préparer les fils de chaîne. Nous avons utilisé un fil de chanvre acheté en petite bobine de 90 m. Chaque fil doit mesurer deux fois la hauteur du métier à tisser au minimum pour pouvoir être mobile et fixé aux poids. Les fils sont passés en haut du métier à tisser sur une petite baguette et tendu par l’ajout de poids en face avant et arrière. Dans notre cas, nous avons groupé les fils par trois sur un même poids. Après de nombreux essais et erreurs, nous avons fini par numéroter les poids par paire avant/arrière. Il est important de bien équilibrer ces couples de poids pour éviter que les fils ne se mélangent.

Autre point d’une grande importance : les fils avant et arrière ne se croisent pas. La mise en place est en définitive assez simple, bien que fastidieuse : chaque boucle de fils est passée sur la barre haute puis liée aux poids. Ainsi le fil avant passe en façade devant la barre basse, le fil arrière, pend librement à l’arrière du métier. L’ensemble des fils passent derrière la barre de lisse.

Ensuite, il faut lier les fils arrière (appelés pairs) à la barre de lisse pour pouvoir les tirer vers l’avant et croiser l’ouvrage.

Les fils pairs sont fixés sur la lisse par une boucle de fil (une boucle par brin). Elle doit être assez lâche pour laisser les brins revenir en position quand la lisse est en position basse. L’idéal est de préparer des petits fils de même longueur à l’avance et de les nouer au fur et à mesure. Les fils pairs (en bleu) sont placés sur la barre de lisse entre deux fils impairs et attachés en position par un nœud. Cette étape peut rendre légèrement fou, il est agréable (très) d’être deux pour la réaliser.

Une fois tous les fils installés, c’est parti pour la trame. Ou plus simplement le tissage !
Pour le fil de trame, nous avons utilisé la laine filée par les visiteurs.

Le fil de trame est mis en réserve dans une navette (bobine plate). L’extrémité libre est accrochée au montant haut du métier. La navette est ensuite passée dans l’intervalle laissé entre les deux nappes de fils de chaîne (lisse en position basse pour commencer). Le fil peut être tassé dans la chaîne à l’aide d’une épée de tissage.

Pour passer au second rang, il suffit alors de tirer délicatement la barre de lisse en avant et de la positionner sur les taquets prévus à cet effet (Y de bois pour notre métier). Les fils de chaîne pairs, situés à l’arrière de l’ouvrage, avancent devant les fils impairs, créant un nouvel interstice pour passer le fil de trame.

Ensuite, il ne reste plus qu’à répéter ces étapes : un passage de fil en lisse basse, un passage en lisse haute, etc. Pour avoir un ouvrage régulier, il faut penser à bien tasser les fils avec l’épée de tissage au fur et à mesure.

La taille de l’ouvrage dépend de la longueur des fils de chaîne. Ici, nous n’avions pas mis en longueur en réserve autour des poids. Le tissage est donc limité à la hauteur de notre cadre.

Pour arrêter l’ouvrage, nous avons fait différents essais : un fil passé dessus-dessous sur les fils pairs et impairs (en bas) et une couture directement sur le premier rang tissé (en haut). Une fois l’ouvrage arrêté, il suffit de couper les fils pour détacher la pièce du métier. Après vérification, c’est la couture qui fonctionne le mieux.

 

Nous avons tissé une bande de 60 cm de long environ en un peu moins de 2 h. Le plus long aura finalement été de comprendre comment monter la chaîne et installer le passage de trame. Cette expérimentation a été riche en apprentissages et nous laisse en tête quelques améliorations à venir et l’envie de travailler les variations pour créer des motifs.

Ce que nous avons retenu : 
1. Dans un tissage simple comme celui-ci, c’est le fil de chaîne qui prend la dominance. Nous n’y avions pas pensé, la laine utilisée comme trame est presque invisible (hors motifs). Il faut donc choisir son fil de chaîne avec attention.

2. Les boucles de fixation à la barre de lisse doivent être solides et un petit peu lâches pour laisser bouger les fils librement.

3. Une couture simple fait très bien l’affaire pour arrêter l’ouvrage.

4. Prévoir un petit piton sur le cadre du métier pour accrocher l’outillage (navette et épée de tissage)

5. L’équilibrage des poids est primordial. Il faut aussi bien les fixer aux fils. Les cailloux glanés à la volée sont trop irréguliers en calibre et en forme. Nous avons préparé des pesons en argile qui ont l’avantage d’avoir la même forme et la même masse. Mais avant de les utiliser, il faudra les cuire.

Un grand merci à Ludivine pour sa patience, ses idées et ses schémas. Merci aussi aux visiteurs qui ont filé à la main la laine que nous avons utilisée en fil de trame. Mais ça, c’est une autre histoire…